1. PARTIE 1 - TARIFICATION NON LINEAIRE, THEORIE ET APPLICATIONS
1.1. Discrimination tarifaire : définitions
1.2. Faisabilité
1.3. Justifications économiques de la discrimination
1.4. Tarification discriminante optimale, cas monoproduit
1.4.1. Discrimination du troisième degré
1.4.2. Discrimination du second degré ou tarification non linéaire
1.5. Effets de la discrimination sur l’efficacité économique
1.6. Utilisation stratégique de la tarification non linéaire « effet PolaroïdÔ »
1.7. Tarification non linéaire et régulation
1.8. Tarification non linéaire multiproduit
1.9. Tarification non linéaire et concurrence
2. PARTIE 2 ANALYSE STRATEGIQUE
2.1. Le modèle commun d’analyse
2.2. Exemples de stratégies de long terme
2.2.1. Gamme de produit
2.2.2. Capacité
2.2.3. Clientèle
2.2.4. Productivité
2.2.5. Intégration verticale
2.2.6. Ventes liéespackaging
2.2.7. Politique de « prix de gros »
2.3. Effet direct et effet stratégique
2.4. Accommodation et barrière à l’entrée
2.4.1. Barrière à l’entrée
2.4.2. Accommodation
2.5. Comportement apparemment inoffensif
3. PARTIE 3 ANALYSE STRATEGIQUE DE DEUX POLITIQUES TARIFAIRES
3.1. Ventes liées comme stratégie de barrière à l’entrée
3.2. Squeezing, et tarification de l’interconnexion
4. INDEX
5. TABLE DES FIGURES ET PROPRIETES
6. BIBLIOGRAPHIE
La pratique de tarifs dégressifs,
l’offre de contrats diversifiés, les ristournes accordées en fonction du
volume, les programmes de fidélisation, les prix spéciaux accordés à certaines
catégories de clients, les abonnements spéciaux ou les forfaits sont autant
d’exemples que la littérature économique regroupe sous le terme générique de
« discrimination » tarifaire (cf. - 6 Mitchell, B.M., Vogelsang, I. (1991), - 7 Mussa, M. Rosen S. (1978), - 13 Wilson R. (1993)).
D’une manière générale, on dit
qu’il y a discrimination tarifaire lorsqu' une même quantité de produit ou de service est
vendu à des prix différents sans que cette différence de prix soit justifiée
par des considérations de coût ou de qualité.
La littérature distingue cependant
trois degrés de tarification discriminante. . La tarification
discriminante du premier degré correspond à ce que l’usage courant dénomme
« tarification à la tête du client ». Elle consiste à pratiquer des
prix personnalisés. Chacun d’eux est égal au prix maximum que le client est
prêt à payer pour le service. Dans le cadre de notre analyse, nous n’étudierons
pas ce type de discrimination tarifaire : son usage reste en effet nécessairement limité à des
activités dont les prix peuvent être fixés hors catalogue. En revanche les deux
autres degrés de discrimination méritent une étude plus approfondie.
Définition 1-1
Discrimination du 3° degré: on dit qu’il y a discrimination du 3° degré lorsque le prix dépend de caractéristiques observables du client.
Ainsi, les prix spéciaux pour les
entreprises, pour les personnes âgées, pour les jeunes... sont des exemples de
tarification discriminante du 3° degré.
La discrimination du troisième degré correspond donc à une pratique de segmentation
explicite de la clientèle. Elle n’a d’intérêt que lorsque les demandes
diffèrent significativement d’un segment à l’autre.
Définition 1-2
Discrimination du 2° degré: : on dit qu’il y a discrimination du second degré lorsque la tarification du produit est non linéaire : le prix de l’unité marginale supplémentaire dépend de la quantité totale achetée
D’une manière générale on parlera
dans ce cas là de « tarification non linéaire ». La tarification non
linéaire conduit à une segmentation implicite de la clientèle : celle-ci, d’une
certaine manière, s’auto-sélectionne en choisissant un niveau de consommation.
Plusieurs types de tarifications entrent dans cette catégorie selon la forme de
la fonction de tarification : (cf. Erreur !
Source du renvoi introuvable.).
-binôme : fixe (abonnement) + prix constant.
-forfait : facture indépendante
de la consommation
-non linéaire dégressif: le prix
de l’unité supplémentaire décroissant
-non linéaire progressif:: le
prix de l’unité supplémentaire croissant
-optionnel de type binôme : offre de plusieurs tarifs binômes
entre lesquels le client a le choix.
Le tarif binôme est la version la plus simple : elle consiste en une redevance
fixe (abonnement) donnant droit à l’accès à la consommation, et d’un prix
unitaire constant. Le forfait est une tarification indépendante de la
consommation.
Remarquons enfin qu’une
tarification dégressive peut être
obtenue, de manière équivalente par l’offre d’un menu de tarifs binômes
optionnels (cf. Figure).
Figure 1-1 tarifs non linéaires
La discrimination n’est évidemment réalisable que pour autant que les consommateurs ne
puissent pas arbitrer entre les différents prix.
Pour qu’une tarification dégressive
soit pertinente il faut bien sûr que la revente soit difficile.
Une tarification progressive n’est
possible que lorsque l’on peut identifier clairement le consommateur, dans le
cas contraire celui-ci pourrait ouvrir plusieurs contrats et consommer sur
chacun d’eux une faible quantité
bénéficiant des conditions avantageuses sur les petits volumes de
consommation.
Sur les marchés très
concurrentiels, les prix sont tirés vers les coûts marginaux. Ce phénomène
exclut pratiquement la tarification non linéaire de ce type de marchés.
Cependant seulement un très petit nombre de marchés sont parfaitement
concurrentiels. Dans les marchés ou la concurrence est monopolistique, les produits sont suffisamment différenciés
pour bénéficier d’une position de monopole local. Dans les marchés ou la
concurrence est oligopolistique, sur des produits totalement substituables, des
mécanismes stratégiques (cf. partie 2) permettent de limiter la concurrence en prix.
D’une certaine manière, la
faisabilité de la tarification non linéaire est conditionnée par l’existence
d’un certain pouvoir de monopole.
Il existe une littérature
théorique abondante sur les justifications économiques de la discrimination en situation de monopole. Il est clair que la discrimination offre
certains degrés de liberté supplémentaire au monopole (par rapport à la
tarification uniforme); ce qui ne peut
être que favorable à son profit.
Cependant, de nombreux travaux
montrent que la discrimination n’est pas nécessairement préjudiciable à l’intérêt public. . Le cas particulier d’un
monopole public soumis à de forts coûts fixes est à cet égard éclairant. La tarification au coût marginal ne suffit pas à financer les coûts fixes, et une tarification uniforme
peut conduire à l’écrémage du marché (cf. Encadré
1-1 ). La principale conclusion du courant de littérature traitant de la
tarification d’un monopole soumis à la contrainte budgétaire est la suivante : lorsque la tarification au
coût marginal conduit à un déficit structurel, l’optimum (de moindre mal)
conduit à pratiquer un tarif dit de « Ramsey-Boîteux ». Pour ce type
de tarif, lorsque la population est segmentée, le taux de marge doit être
inversement proportionnel à l’élasticité
de la demande. Les segments « élastiques » bénéficient ainsi
d’un tarif proche du coût marginal (et participent faiblement au financement
des coûts fixes), alors que les segments peu
élastiques supportent un prix plus élevé.
Encadré 1-1 Monopole public et discrimination
On considère un monopole public (local) qui produit un
service à coût marginal nul (pour
simplifier) en supportant un coût fixe
égal à 1000 (par an).
La population est composée
de deux types de « clients » potentiels :
-100 clients de type 1 :
chaque client de ce type accorde une valeur 4 (par an) au service
-100 clients de type 2 :
chaque client de ce type accorde une valeur 8 au service.
Remarquons tout d’abord
que le service est « collectivement » rentable :
4X100+8X100=1200>1000
Le bénéfice retiré par les
usagers est supérieur au coût.
Cependant, une tarification uniforme est insuffisante pour financer le
service. En effet, lorsque le prix est supérieur à 4, seuls les clients de
type 2 sont susceptibles de souscrire. La recette maximale est alors, dans ce cas,
obtenue pour un prix égal à 8 : 8X100=800<1000.
Lorsque le prix est
inférieur à 4, les deux types de clients souscrivent mais la recette maximale
est obtenue pour un prix égal à 4 : 4X200=800<1000.
L’obligation de tarif
uniforme conduit dans ce cas à la « non-réalisation » du service.
Seule une tarification discriminante (du 3° ou 2° degré) est susceptible de
restaurer l’efficacité.
De nombreuses contributions
théoriques se sont attachées à caractériser la tarification discriminante
optimale dans le cas d’un monopole privé ou d’un monopole public soumis à contrainte budgétaire. Nous allons donner ici les
principaux résultats sans donner l’intégralité des développements mathématiques
(cf. - 13 Wilson R. (1993), - 7 Mussa, M. Rosen S. (1978).).
Dans le cas de la discrimination du troisième degré, la clientèle est composée de différents
segments, chacun étant caractérisé par une demande homogène. On note ei
l’élasticité de la demande dans le segment i.
Le prix pratiqué sur le segment i est d’autant plus éloigné du coût marginal c que l’élasticité de la demande sur ce segment est faible.
Ainsi, les segments à forte
élasticité sont « moins rentables » au sens où ils participent
moins au profit.
Nous avons déjà remarqué que la
tarification discriminante était impossible lorsque les consommateurs pouvaient
arbitrer (c’est à
dire lorsqu’un marché secondaire était susceptible de se créer). Si le monopole
produit un bien intermédiaire (utilisé par des entreprises de transformation ou
(plus simplement) des détaillants en aval, il peut éviter cette concurrence via les marchés secondaires en adoptant des stratégies « d’
intégration verticale » (cf. - 11 Tirole J (1989)). Supposons
par exemple que le marché du monopole se compose de deux segments tels que
l’élasticité sur le segment 1 soit plus élevée que celle du segment 2. Pour pouvoir mettre en place une discrimination tarifaire il faut en effet empêcher que les entreprises du segment
2 achètent le bien du monopole aux entreprises du segment 1. En s’intégrant
verticalement avec une entreprise du segment 1, le monopole réalise cet objectif :
il affiche un seul prix élevé (le prix du segment 2) et vend en interne au prix
bas (en interdisant à sa filiale la revente aux entreprises du segment 1).
Monopole Détaillant 1 Détaillant 2
fort
faible
Figure 1-3 Discrimination par intégration verticale
Cette stratégie correspond à la version la plus
simple de la stratégie de «
squeezing » , les biens en aval n’étant pas a priori
concurrents. Nous verrons par la suite, une version plus élaborée de la
pratique de squeeze lorsqu’un
même producteur vend un bien à la fois à une de ses filiales mais aussi à un
des concurrents de sa filiale.
Lorsque le monopole est un
monopole public soumis à l’équilibre budgétaire, le même type de résultat est
obtenu à la différence que le taux de marge est cette fois-ci proportionnel à
l’inverse de l’élasticité, le facteur de proportionnalité étant appelé indice
de Ramsey.
Demande homogène
Supposons tout d’abord que tous
les consommateurs (en nombre N) sont identiques. On dira dans ce cas là que la
demande est homogène égale à NQ(p). On peut
montrer facilement (cf. -
11 Tirole J (1989)) dans ces conditions que la tarification non linéaire
optimale est une tarification binôme dans laquelle le prix unitaire est égal au
coût marginal.
propriété 1-2 Tarif optimal pour une demande homogène
Lorsque la demande est homogène, le tarif non linéaire optimal est le tarif binôme composé d’une partie fixe A et d’un prix unitaire égal au coût marginal.
Soit en effet A(p) l’abonnement maximal qu’un
consommateur accepte de payer lorsque le prix unitaire est égal à p. Il est clair que A(p) est une fonction décroissante
de p : lorsque le prix à l’unité est élevé le consommateur accepte moins
volontiers un abonnement élevé. Il est d’autre part facile de voir que lorsque
p varie de p à p+Dp
l’abonnement maximal baisse de (la surfacturation du
volume doit être exactement compensée par la baisse de l’abonnement). Le profit
du monopole s’écrit :
La variation du profit en
fonction du prix s’écrit alors :
Le profit est donc maximum pour p=c et A=A(c).
Ce résultat est facile à
comprendre : en tarifant l’unité à un prix égal au coût marginal, le monopole incite le
consommateur à une consommation optimale, c’est à dire celle qui dégage un
surplus maximal.
Ce surplus est alors ensuite capturé par le monopole via la prime fixe A.
Le même type de résultat
s’obtient pour le monopole public astreint à l’équilibre budgétaire : dans ce cas l’abonnement est
égal au « coût fixe moyen », c’est à dire au coût fixe divisé par le nombre de
clients.
Demande hétérogène
Lorsque la demande est
hétérogène, l’abonnement maximal acceptable, en contrepartie d’un prix à
l’unité donné, varie d’un consommateur à l’autre. L’idéal (du point de vue du
monopole) serait bien sûr de pratiquer un prix unitaire égal au coût marginal et de fixer un abonnement personnalisé exactement égal à
l’abonnement maximal acceptable. Ce type de tarification correspond à une
discrimination du premier degré et est bien sûr incompatible avec la publication
d’un catalogue.
Une deuxième solution pourrait
consister à fixer le prix au coût marginal et à proposer un abonnement unique. Seuls les clients ayant une
disposition à payer un abonnement supérieur seraient alors consommateurs :
cette politique tarifaire conduit à un écrémage (anti-sélection) qui est en fait sous optimal.
La solution optimale consiste en
fait à proposer un tarif non linéaire (cf. - 13 Wilson R. (1993)). La facture
totale payée n’est dans ce cas pas proportionnelle à la quantité consommée.
Soit T(q) la facture associée à une consommation q. Notons d l’unité élémentaire de consommation.
Ainsi lorsque l’on consomme une quantité totale q, on consomme k=q/d unités élémentaires.
Notons p(q)=T(q)-T(q-d). p(q)
est le prix unitaire de la dernière unité consommée. Si T(0)=0 (ce qui est évident), on a bien sûr :
Le profit réalisé sur les
consommateurs qui consomment exactement la quantité q est égal à :
Ecrivons tous les profits de q=0 à l’infini sous la forme suivante :
Le profit total est la somme de tous ces profits. On
voit que l’on peut réordonner les termes de la somme en additionnant les termes
verticalement. On obtient alors une somme dont un terme typique est :
Ce terme correspond au profit
réalisé sur la « h ième unité » : il est égal à la marge unitaire (p-c) multiplié par le nombre de
« h ièmes unités » vendues, c’est à dire par le nombre de
consommateurs achetant plus de h
unités a un prix p(hd).
posons alors hd=q , ce profit s’écrit :
où M(q,p(q)), représente le nombre d’individus achetant une quantité
supérieure à q lorsque le prix de la dernière unité avant q est tarifée au prix p(q).
Le tarif optimal p(q) vérifie donc :
c’est à dire :
Dans la formule ci dessus,
l’élasticité représente la variation relative du nombre de consommateurs
consommant plus que q lorsqu’on fait
varier le prix unitaire de l’unité marginale autour de p(q).
propriété 1-3 Tarification non linéaire optimale
Le taux de marge associé à la q ième unité est inversement proportionnel à l’élasticité de la demande sur la q ième unité.
Conséquences :
-Le prix unitaire payé par les plus gros consommateurs est égal au coût marginal.
-En général, avec les distribution usuelles des « types » de consommateurs (Log-normal par exemple), le tarif non linéaire optimal est dégressif (cf. - 13 Wilson R. (1993)).
-Il peut donc s’obtenir comme menu de tarifs binômes. Dans ce menu, le contrat dont l’abonnement est le plus élevé a un prix unitaire égal au coût marginal.
Figure 1-4 Tarif non linéaire optimal
Tarifs binômes
On peut restreindre le tarif non
linéaire à un tarif binôme. Dans ce cas on a le résultat suivant:
propriété 1-4 Tarif binôme optimal
Le tarif binôme optimal (A,p) est tel que :
p est plus grand que le coût marginal mais plus petit que le tarif uniforme optimal.
A est égal à l’abonnement maximal
tolérable du plus petit consommateur servi.
Figure 1-5 Tarif binôme optimal
Analyser l’impact de la
tarification discriminante (et de la tarification non linéaire) sur
l’efficacité économique suppose de disposer d’une référence.
Dans le contexte d’analyse que
nous présentons, la référence naturelle est bien sûr celle du monopole
contraint à une tarification uniforme.
Analysons, pour fixer les idées,
le cas de la discrimination du 3° degré. On doit comparer deux situations :
celle où le monopole affiche un prix unique, tel que le taux de marge soit égal
à l’inverse de l’élasticité totale, et celle où le monopole peut pratiquer
différents prix sur différents segments. Supposons par exemple que les
élasticités sur chacun des segments soient très différentes. Ainsi, supposons
que coexistent sur le marché des petits consommateurs à très forte élasticité
(une petite variation de prix engendre une forte variation de consommation), et
des gros consommateurs à faible élasticité. Dans ce cas on comprend aisément que
contraindre le monopole à pratiquer un tarif unique, l’incite à écrémer le
marché pour profiter de la « rente » qu’il peut obtenir sur les gros
consommateurs.
D’une manière générale, l’impact de
la discrimination sur le bien-être (collectif) est ambigu. On peut cependant
donner l’intuition des principaux résultats :
propriété 1-5 Effets de la discrimination sur le bien-être
-Si la consommation avec discrimination est plus faible que la consommation avec tarification uniforme alors le bien-être collectif diminue avec la discrimination.
- Lorsque la contrainte de tarification uniforme incite le monopole à écrémer (servir uniquement les consommateurs ayant une faible élasticité et une forte demande) alors la discrimination peut être souhaitable.
-Lorsque le monopole est un monopole public soumis à des coûts fixe importants, la discrimination est toujours plus efficace que la tarification uniforme (cf. - 12 Willig, R. (1978)).
Des résultats similaires peuvent
être obtenus dans le cas de la tarification non linéaire. Prenons l’exemple de
la tarification binôme optimale représentée sur la Figure 1-5. On voit que par rapport
à la tarification uniforme monopolistique, la tarification non linéaire est
« plus chère » pour les petits consommateurs que pour les gros.
Cependant, la baisse du prix unitaire rend plus attractives les consommations
élevées.
propriété 1-6 Effet de la tarification non linéaire sur le bien-être
Si la tarification non linéaire est telle que l’écrémage est diminué (c’est à dire que la réduction du prix unitaire incite de nouveaux consommateurs à consommer, alors la tarification non linéaire est plutôt favorable.
Si avec une tarification non linéaire, la consommation totale est diminuée il faut alors préférer la tarification uniforme. (Dans ce cas l’abonnement dissuade les petits consommateurs, ce qui est préjudiciable à l’efficacité)).
Un cas intéressant d’utilisation
de la tarification non linéaire est illustré par le cas Polaroïd.
Une entreprise possède une
situation de monopole sur un produit de base consommé en quantité fixe (un
appareil photo, le raccordement à un réseau), alors qu’un bien complémentaire est consommé en
quantités variables (pellicule, trafic). Ce bien complémentaire peut
être fourni par un secteur parfaitement concurrentiel au prix p égal au coût
marginal c. Ce bien complémentaire est parfaitement inutile si l’on ne dispose
pas du bien de base. L’idée consiste alors à utiliser le niveau de consommation
en bien complémentaire comme indicateur du consentement à payer le bien de
base. Si l’on fait l’hypothèse que le
consentement à payer le bien de base est positivement corrélé avec la quantité
consommée du bien complémentaire, c’est à dire que (à prix donné) les gros
consommateurs ont un consentement à payer le bien de base plus élevé que les
petits consommateurs, alors utiliser la quantité de bien complémentaire acheté
comme indicateur du consentement à payer le bien de base peut permettre au
monopole de différencier efficacement le prix du bien de base.
Considérons alors le tarif non
linéaire optimal T(q) défini dans le
paragraphe précédent. Le monopole a intérêt à tarifer le bien de base au tarif
T(q)-cq. Ce type de discrimination conduirait à faire payer le bien de base peu
cher par les « petits consommateurs » du bien complémentaire et
relativement cher par les « gros consommateurs » du bien
complémentaire. .
En général, il est difficile
d’observer la quantité de bien complémentaire acheté par ses clients. La
solution consiste alors à pratiquer une vente liée c’est à dire à s’assurer
l’exclusivité de la fourniture du bien complémentaire (par exemple en devenant
« détaillant » du produit complémentaire). Le profit retiré par le
monopole est alors exactement le même. La vente liée est ici « non stratégique » au sens où le monopole
pourrait réaliser le même profit en indexant son prix sur la consommation du
bien produit par un secteur concurrentiel. Le monopole n’a pas intérêt à
modifier les conditions de production et de concurrence sur le bien complémentaire, son objectif consiste simplement à
utiliser la consommation du bien complémentaire comme indicateur du consentement
à payer le bien de base.
Le tarif global ressenti par le
consommateur est alors égal à T(q). Tout se passe comme si le bien de base
était vendu gratuitement et que la consommation du bien complémentaire était
assortie d’un tarif dégressif.
Les exemples de telles pratiques
sont nombreux : offre de terminaux (à des prix faibles) en contrepartie de la
souscription à un abonnement de consommation. Appareils photo vendus peu cher
en contrepartie de l’exclusivité de la vente de pellicules spécifiques.
L’effet sur le bien être d’une
telle pratique est plutôt négatif par rapport à une situation dans laquelle le
produit complémentaire serait vendu au prix c. En effet, la tarification non
linéaire distord le prix du bien complémentaire et l’écarte du coût marginal.
On a le résultat suivant :
propriété 1-7 "Effet Polaroïd" et bien-être
Si le monopole sert le même marché dans les deux configurations alors la vente liée de type « effet Polaroïd » est préjudiciable à l’intérêt collectif.
Si en revanche cette stratégie permet d’acquérir de nouveaux consommateurs alors l’effet peut être positif.
Encadré 1-2 "effet Polaroïd" en tarif binôme
Le monopole produit un
bien de base. Le coût unitaire de production est donné égal à c0. un
bien complémentaire peut être produit au coût marginal c.
Si le monopole pratique
une vente liée le tarif proposé pour une unité de bien de base et q unités de
bien complémentaire est égal à A+pq où A est l’abonnement maximal acceptable au
prix p par le plus petit consommateur et p est un prix unitaire supérieur à c
(cf Figure 1-5).
Remarquons que A est
indépendant de c0 : il peut arriver que A soit inférieur à c0
(par exemple pour la vente de terminaux portables).
Si l’on interdit la vente
liée le prix du bien complémentaire sera offert au prix c. Le prix du
monopole (s’il sert le même marché) sera égal au consentement à payer du plus
petit consommateur au prix c, consentement à payer qui est plus grand que A.
Lorsqu’on interdit la
vente liée et que cette interdiction ne modifie pas la taille du marché,
alors on augmente l’efficacité économique globale. Si cette interdiction
conduit à l’écrémage, alors la conclusion peut être inversée.
Dans de nombreux secteurs, les monopoles
sont soumis à des contraintes de régulation. Nous n’entrerons pas ici
dans la discussion sur la définition des mécanismes de régulation. L’objectif
consiste ici à estimer l’impact de la régulation sur la stratégie tarifaire du monopole.
La régulation par price cap est un type de mécanisme qui a pour double vertu d’inciter le
monopole à minimiser ses coûts et à l’empêcher de « trop » profiter
de sa rente de monopole.
Lorsque le monopole propose une
tarification non linéaire se pose le problème de la définition du price cap.
Deux options sont possibles :
-la première consiste à imposer : le tarif non linéaire doit être telle que la facture totale
d’un client ne doit pas excéder une facture linéaire donnée. En général on
prendra comme price cap « l’ancien » prix linéaire.
-la seconde consiste à imposer
que la recette totale du monopole n’excède pas une recette linéaire donnée: où Q représente la
quantité totale vendue.
La deuxième solution est celle
d’un price cap moyen : le prix moyen payé sur le marché du produit en question ne
doit pas excéder un prix donné.
Armstrong et ali (cf. - 1 Armstrong M. Cowan
S, Vickers J (1995)) étudient l’effet sur le bien être total des deux
types de régulation.
Le principal résultat est le
suivant :
propriété 1-8 Tarification non linéaire et price cap
Le monopole préfère le price cap moyen. Ses degrés de liberté sont supérieurs dans la définition du tarif non linéaire optimal. Ce type de régulation peut cependant conduire à inciter le monopole à pratiquer des prix unitaires inférieurs au coût marginal. Cette caractéristique a donc un impact anti-concurrentiel indirect : elle protege le monopole sur les segments hauts du marché.
Les consommateurs préfèrent la tarification non linéaire avec price cap sur facture à la tarification uniforme. Cependant la comparaison entre price cap sur facture et price cap moyen est moins claire. On peut simplement affirmer que le premier type de régulation a la vertu de « protéger » les petits consommateurs.
La tarification non linéaire
multiproduit fait l’objet de recherches actives et non encore achevées. On peut
cependant donner quelques intuitions sur certains résultats intéressants (cf. - 9 Rochet J.C. (1996)).
Considérant un monopole
produisant deux biens indépendants 1 et 2. (local, longue distance par
exemple). Les acheteurs potentiels diffèrent par leur propension à payer chacun
des deux biens. On peut par exemple imaginer qu’il existe 4 types de
consommateurs : ceux qui ont un consentement à payer fort sur les deux biens
(type 1) , ceux qui ont un consentement à payer faible sur les deux biens (type
2), et ceux qui ont un consentement à payer fort sur l’un et faible sur
l’autre. (type 3 et 4).
Si il y a une très forte
corrélation positive entre les consentements à payer (les types 3 et 4 sont
très faiblement représentés), alors tout se passe comme s’il n’existait qu’un
seul bien composite. La tarification non linéaire optimale est dans ce cas là
séparable : elle consiste à pratiquer la tarification non linéaire optimale sur
chacun des deux marchés.
Le cas le plus intéressant est
celui ou la corrélation est fortement négative, c’est à dire lorsque les types
3 et 4 sont très fortement majoritaires. Le monopole a alors intérêt a offrir
un contrat dans lequel l’un des prix
unitaires est inférieur au coût marginal. Supposons par exemple que les
individus ayant un fort consentement à payer le bien 1 et un faible
consentement à payer le bien 2 (type 3)
soient fortement majoritaires. Ce type constitue d’une certaine manière
la « cible du monopole ». Ce type consomme un panier composé en
grande partie de bien 1. L’optimum consiste à proposer à cette cible un prix
unitaire égal au coût marginal sur chacun des deux biens contre un abonnement
donné. Le contrat proposé au type 4 doit alors être tel que les individus de
type 3 n’aient pas intérêt à y souscrire. Pour cela il faut afficher un prix
unitaire supérieur au coût marginal sur le bien 1 et inférieur sur le bien 2.
Le prix unitaire du bien 2 croit avec le volume consommé sur le bien 1 et passe
d’une valeur inférieure au coût marginal à une valeur égale au coût marginal.
Nous reviendrons plus loin sur
les similitudes entre tarification non linéaire multiproduits et ventes liées.
Des contributions récentes ont
étendu l’analyse de la tarification non linéaire au cas de la concurrence (cf. - 2 Biglaiser Mezzetti (1993),- 5 Martimort D. Ivaldi M.(1992),- 10 Stole L. (1995),- 13 Wilson R. (1993))
D’une manière générale, si les
biens en concurrence sont parfaitement substituables et produits dans les mêmes conditions
par les entreprises en concurrence, alors il n’existe pas d’équilibre
concurrentiel avec tarification non linéaire.
En revanche, dès que les biens
sont différenciés, il peut exister des équilibres en tarification non linéaire.
Lorsque la différenciation est horizontale, c’est à dire lorsque les
consentements à payer les biens sont corrélés négativement (ceux qui ont un
consentement à payer élevé pour un des biens ont aussi un consentement faible à
payer l’autre), alors le tarif non linéaire d’équilibre est très similaire au
tarif monopolistique (cf. - 10 Stole L. (1995)).
Tout se passe comme si les concurrents étaient en situation de monopole local
sur des clients peu mobiles.
En revanche si la différenciation
est verticale (la corrélation entre les consentements à payer est forte) alors
la concurrence est plus frontale. Dans ce cas le tarif non linéaire d’équilibre
est plus proche du coût marginal que le tarif de monopole (cf. - 5 Martimort D. Ivaldi M.(1992)).
Lorsque les conditions de
production ne sont pas identiques, c’est à dire par exemple lorsque servir un
client suppose un coût fixe par client et un coût marginal associé à la
quantité et que les deux entreprises diffèrent l’une ayant un coût fixe élevé
et un coût marginal faible l’autre ayant une structure de coût inverse,
l’équilibre en tarif non linéaire peut conduire à un partage de marché dans
lequel la concurrence frontale n’a lieu que pour les consommateurs
« intermédiaires » (cf. -
2 Biglaiser Mezzetti (1993)).
Les modélisations récentes des
aspects stratégiques de la concurrence s’inscrivent en majorité dans un cadre
conceptuel commun issu de la théorie des jeux.
Dans ce contexte,
l’identification des mécanismes sous-jacents permet une analyse précise des stratégies de collusion, de barrières à l’entrée, ou d’exclusion ..
Nous allons d’abord décrire de
façon synthétique le modèle général avant de l’appliquer à différents contextes
de concurrence.
L’interaction stratégique est
modélisée par un jeu en deux périodes. Durant la première période
les protagonistes ont à leur disposition des outils stratégiques de long terme.
Pendant la seconde période, les joueurs jouent un jeu de concurrence dans
lequel les stratégies sont des outils tactiques de court terme. L’idée
essentielle sous-jacente à cette structure en deux périodes est la suivante :
les instruments stratégiques de long terme servent à « piloter » ou « contrôler »
(au moins partiellement) l’interaction concurrentielle résumée par le jeu de
deuxième période.
Le déroulement temporel en deux
périodes permet de bien prendre en compte certains aspects importants des
stratégies industrielles dans un contexte de concurrence imparfaite.
Tout d’abord, ce modèle permet de
schématiser le fait que les résultats de la concurrence dépendent de choix
stratégiques de long terme de chacune des entreprises.
propriété 2-1 Choix stratégiques comme pilotage de la concurrence
Les engagements stratégiques de première période ont une influence sur les résultats de la concurrence.
Ensuite, cette formalisation
permet de faire correspondre les stratégies de première période à des engagements difficilement réversibles.
Cette caractéristique a deux conséquences importantes :
Dans la seconde période les joueurs ne peuvent pas revenir sur leur stratégie de long terme.
Chacun des joueurs sait que les autres ne pourront pas revenir sur leur stratégie de long terme.
Contrairement à une intuition
trop souvent répandue, cette deuxième conséquence est extrêmement importante :
elle permet des stratégies de fait accompli (commitment).
La résolution complète du jeu sur
deux périodes, c’est à dire « la prédiction » des stratégies de long
terme, consiste alors mener un simple raisonnement d’anticipation :
Dans une version simple du jeu
dans laquelle les joueurs ont une information complète, chaque protagoniste
peut prévoir le résultat de la période 2 à stratégies de long terme fixées. Les
décisions de période 1 sont alors prises compte
tenu de leur impact sur la concurrence. Cet effet rétroactif résume la
notion de pilotage de concurrence.
Le « timing » du jeu de
période 1 peut alors prendre différentes formes. Dans un premier type de
scénario, les joueurs choisissent simultanément leurs stratégies de long terme.
Dans un second type de scénario, l’un des joueurs, qui possède dans ce cas là d’une sorte d’antériorité stratégique
(de droit ou de fait) peut choisir sa
stratégie avant l’autre.
Les stratégies de première
période ont a priori deux effets : un effet direct sur le profit de
l’entreprise qui l’adopte, et un effet indirect (effet stratégique) via les conditions de la
concurrence justement modifiées par la stratégie de long terme
période 1 : décisions stratégiques de
long terme
période 2 : jeu de concurrence.
Supposons que le joueur 1
choisisse la stratégie de long terme , et que le joueur 2
choisisse
. Plaçons nous en période 2.
En période 2, les joueurs ont à leur
disposition des instruments stratégiques de court terme que l’on note
et
. Pour
,
,
,
, donnés, les caractéristiques de la concurrence sont résumés
par le profit (ou bénéfice) obtenu par chacun des deux joueurs :
Si les joueurs jouent et
en période 2 ils
obtiennent respectivement :
et
qui représentent par
exemple les profits de long terme.
L’équilibre de concurrence
de la période 2 est alors résumé par un « équilibre de Nash » sur les
variables et
.
Définition : on dit que et
, sont des stratégies d’équilibre du jeu de deuxième période,
si, aucun des deux joueurs n’a intérêt à modifier unilatéralement sont
comportement :
A stratégies de long terme
fixés, le résultat de la concurrence se résume alors à la donnée des bénéfices
anticipés :
Deux scénarios possibles :
Le joueur 1 fixe d’abord
, le joueur 2, ajustant sa réponse en fonction de
. Le joueur 1 alors leader, choisit la meilleure stratégie
compte tenu de la réaction de 2.
Les joueurs fixent simultanément leur
stratégies.
Dans ce type de stratégie les
entreprises définissent la gamme de produit qu’ils souhaitent offrir, son étendue
(diversification/spécialisation) et/ou son niveau de qualité (bas de gamme/haut
de gamme) . Les stratégies envisageables sont par exemple la stratégie de niche
(spécialisation sur un type de produit particulier) ou de prolifération
(occupation de l’ensemble du spectre possible). Le scénario de période 1 peut alors être le suivant :
Le monopole possède peut de marges
de manoeuvre sur K1 : ses stratégies peuvent être rester sur sa gamme ou proliférer (préempter) sur d’autres types de produits. Dans ce
cas l’entreprise 2 peut choisir librement son positionnement.
La stratégie de long terme peut
représenter l’investissement en terme de capacité de production. La stratégie
peut être agressive (grande capacité) ou timide (faible capacité). L’entreprise
2 doit par exemple décider de son entrée et du niveau de celle-ci.
Dans ce cas K1 représente les
investissements réalisés pour « fidéliser » une clientèle. La
façon la plus commune de fidéliser un client étant la création de coûts
artificiels de changements de fournisseurs. De nombreuses pratiques
commerciales entrent dans cette catégorie : points donnant droit à réduction
sur les consommations futures, vente de produits compléments fortement
spécifiques...
Ce cas de figure est somme toute
le plus fréquent : K1 représente les investissements réalisés dans l’optique d’une réduction des coûts de
production.
Dans ce cas, la stratégie de
l’entreprise consiste à s’intégrer avec un de ses distributeurs ou
fournisseurs.
La stratégie de long terme consiste
dans ce cas à s’engager sur la vente liée d’un produit composite, les produits du package étant indépendants
ou compléments.
Dans ce cas la stratégie de long
terme est la mise en place de contrats de fourniture à des détaillants (ou à
des entreprises de transformation aval).
A
cet effet direct, il faut ajouter les effets indirects stratégiques qui résument l’influence sur les profits de l’impact des
« conditions » de la concurrence qui dépendent justement des
engagements de long terme. Ainsi, augmenter les capacités va augmenter la
concurrence en aval : l’offre potentielle augmentant, les prix , et les profits
des deux entreprises, vont être tirés vers le bas. De même l’effet direct d’une
stratégie de niche est relativement pénalisant : ce type de stratégie,
restreignant le marché potentiel, interdit des profits fondés sur la quantité.
En revanche, l’effet stratégique est bénéfique : en adoptant une stratégie de
niche, on évite la concurrence ce qui permet de mieux profiter d’une position
de monopole local favorable.
Ainsi,
l’effet global des stratégies de long terme est la somme de deux effets : un
effet direct et un effet stratégique indirect via la structure de marché résultante.
Définition 2-1 Effet direct et effet stratégique
Effet direct d’une stratégie de long terme : effet sur le profit à conditions de concurrence (prix) données.
Effet stratégique : effet sur les profits dû aux modifications des conditions de concurrence. Une stratégie de long terme a donc deux types d’effet stratégique :
-l’impact sur le profit de l’entreprise qui a mis en oeuvre cette stratégie : impact stratégique interne.
-l’impact sur le profit des rivaux : impact stratégique externe.
Effet global propre : somme de l’effet direct et de l’effet stratégique interne.
Définition 2-2 Types de stratégies
On dit qu’une stratégie est offensive (en anglais tough) lorsque l’effet stratégique externe est tel que le profit des rivaux décroit.
On dit qu’une stratégie est inoffensive lorsque l’effet stratégique externe est tel que le profit des rivaux croit.
On dit qu’une stratégie est valorisante lorsque l’effet propre est positif (on augmente son propre profit)
On dit qu’une stratégie est pénalisante lorsque l’effet propre est négatif (ce type de stratégie implique un sacrifice de la part de l’entreprise qui la met en oeuvre).
Une
entreprise qui met en oeuvre une stratégie de long terme doit donc analyser et
mettre en balance l’ effet stratégique externe et l’effet propre.
Figure 2-1 Stratégies : effet propre et effet stratégique externe
Une stratégie de barrière à
l’entrée est nécessairement offensive : son objectif est de dissuader
l’entrée de rivaux en faisant en sorte que le résultat de la concurrence leur
donne de très faibles profits.
Ce type de stratégie peut être
pénalisant : il implique dans ce cas un sacrifice propre qui lui donne un
caractère agressif.
Il peut être valorisant : il
s’agit alors d’une stratégie qui permet simultanément d’augmenter son profit et
de diminuer celui de ses rivaux.
Exemples
-investissement en capacité
(induit une concurrence en prix plus sévère).
-vente liée (voir ci dessous)
-investissement en productivité
-extension de gamme
-fidélisation d’une grande
clientèle
Une stratégie d’accommodation est
une stratégie dont l’objectif est un objectif de moindre mal : c’est
nécessairement une stratégie valorisante. Il s’agit essentiellement de faire en
sorte que l’effet propre soit le plus favorable possible.
Selon l’effet sur le profit des
rivaux, une stratégie d’accommodation peut être offensive ou inoffensive. On
pourra parler de collusion lorsque l’effet externe est inoffensif.
Exemples
-limitation volontaire de
capacité,
-spécialisation sur une niche
La distinction entre effet direct
et effet stratégique permet de comprendre qu’il est parfois difficile de repérer
les comportements délibérément anti-concurrentiels.
Cette difficulté est matérialisée
par le cas des stratégies dont l’effet propre est valorisant et dont l’effet
stratégique externe est agressif. (cf. Figure
2-1 Stratégies : effet propre et effet stratégique externeFigure 2-1)
De telles stratégies peuvent
servir à la fois d’outils d’exclusion et d’instrument d’accommodation. Tout
dépend en général du degré avec lequel ce type de stratégie est mis en oeuvre.
Exemples
-Clientèle : selon la taille de
la clientèle ce type de stratégie est soit agressif soit collusif.
-Investissement en productivité :
un sur investissement en productivité peut permettre d’exclure du marché.
Dans cette dernière partie nous
analysons deux types de stratégies tarifaires : la fixation des prix de vente
de biens intermédiaires, et la pratique de vente liée.
Nous considérons le cas où une
entreprise est en situation de monopole sur un bien (A). Cette entreprise peut
produire un autre bien (B) par ailleurs offert par d’autres entreprises (cf. - 11 Tirole J (1989)).
Pour fixer les idées supposons
que le consentement à payer le bien du
monopole est constant dans la population et égal à v. Le coût de production de ce bien est égal à c.
Si le monopole ne pratique pas de
vente liée il vendra le bien A au prix v et le prix sur le bien B résultera de la concurrence avec les
autres fournisseurs. Son profit total s’écrit:
où DA est le marché
du bien 0 et D1 est la demande de l’autre bien si le prix du
monopole est p1 et le prix de l’autre entreprise est p2. (à l’équilibre
concurrentiel). On suppose D1<DA.
Le monopole peut pratiquer une
vente liée en vendant à un prix P un package comprenant une unité du bien A et
une unité du bien B. Son profit s’écrit :
Tout se passe comme si les coûts
de production sur le bien B étaient diminuées de (v-c).
Cette stratégie est formellement
identique à une stratégie de réduction des coûts : elle est donc offensive au sens où elle
tire les prix d’équilibre vers le bas.
C’est donc une stratégie de
barrière à l’entrée qui vise à rendre la concurrence sur le bien B plus sévère.
Remarquons de plus que le
monopole n’a pas d’intérêt propre à lier les deux biens : en faisant ainsi il
perd des degrés de libertés dans la tarification.
On est donc en présence d’une
stratégie de barrière à l’entrée agressive. Si la concurrence était imposée, le
monopole ne pratiquerait pas ce type de tarification.
Ce type de stratégie consiste
donc à sacrifier une partie du pouvoir de monopole sur le bien A pour augmenter
l’intensité de la concurrence sur le bien B.
On peut identifier le même type
de stratégie dans la tarification nonlinéaire multiproduit qui peut
s’apparenter à une vente liée : c’est le cas lorsque le prix unitaire de l’un
des biens (en concurrence) est d’autant plus faible que la consommation sur le
bien (en monopole) est élevée.
Nous reprenons ici le problème de
la tarification d’un bien intermédiaire à destination de détaillants en
concurrence.
p1 concurrence
Monopole
p2
Détaillant 2 Détaillant 1
Figure 3-1 Monopole avec détaillants en concurrence
La question qui se pose est de
savoir si la concurrence en aval détruit ou non le pouvoir de monopole.
On peut d’abord penser que le
monopole peut préserver son pouvoir de monopole en pratiquant deux prix
différents. Un prix « très élevé »
à l’égard du détaillant 2 et un prix « faible » (assorti d’une
redevance) à destination du détaillant 1. En faisant de la sorte le monopole
est offensif sur le détaillant 2 et collusif avec le détaillant 1. C’est une
stratégie typique de squeezing.
Le problème de ce type de
stratégie est qu’elle n’est pas crédible. Une fois le contrat avec le
détaillant 1 signé, le monopole a intérêt à modifier le contrat avec le
détaillant 2. Intuitivement, à conditions contractuelles fixées avec l’un des
protagonistes, l’autre devient monopole sur la demande résiduelle et donc le
fournisseur a intérêt à lui offrir unilatéralement un contrat plus favorable.
Le caractère non crédible de cette
stratégie conduit alors à un phénomène d’auto-concurrence qui, in fine, réduit le pouvoir de monopole du fournisseur. C’est
le fameux phénomène mis en évidence sur les biens durables par Coase (cf - 8 Rey,P. Tirole J.
(1996) et -
11 Tirole J (1989)).
Il existe alors un autre type de
stratégie qui permet au monopole de maintenir son pouvoir. Il s’agit
essentiellement d’une stratégie d’accommodation. L’idée consiste à pratiquer
contrats intermédiaires qui soient tels que la concurrence en aval soit la
moins féroce possible. Un moyen consiste à pratiquer des prix intermédiaires
« relativement » élevés de manière à ne pas tirer les prix aval vers
le bas. Pour rendre cette stratégie possible il existe un moyen simple :
s’engager à pratiquer des contrats identiques avec tous ces détaillants. Cette
contrainte apparente a le mérite d’empêcher le monopole d’être tenté de se
concurrencer lui même.
Ce phénomène mis en évidence dans
la littérature récente sur la « forclusion » (cf. - 8 Rey,P. Tirole J.
(1996)) relativise le phénomène de squeeze et insiste sur le fait qu’une
mesure réglementaire qui oblige le monopole à s’engager permet en fait à
celui-ci de mettre en oeuvre des stratégies de collusion implicite permettant
de minimiser les effets destructeurs de la concurrence en aval.
—A—
arbitrer 5; 7
auto-concurrence 24
—B—
barrière à l’entrée 16; 21; 23
binôme Voir tarif binôme
—C—
cas Polaroïd 12
collusion 16; 22
concurrence 5; 7; 13; 15; 16
coût marginal 5; 7; 8
coût(s) fixe(s) 5; 8
—D—
différenciation horizontale 16
discrimination 3; 5; 6; 7; 8
Discrimination du 2° degré 3
Discrimination du 3° degré 3
—E—
écrémage 8
effet stratégique 17; 20; 21
efficacité économique 11
élasticité 7
exclusion 16
—F—
fidéliser 19
—G—
gamme 19
—I—
inoffensive 20
intégration verticale 7
intérêt public 5
—J—
jeu en deux périodes 16
—M—
monopole public 5; 6; 7; 8
—O—
offensive 20
—P—
price cap 14; 15; 26; 27
—R—
raccordement 12
régulation 14; 15
—S—
segment 3; 7
squeeze 7
squeezing Voir squeeze
stratégie de réduction des coûts 23
stratégie pénalisante 20
stratégie valorisante 20
stratégique 5; 16
surplus 8
—T—
tarif binôme 4; 8
tarif non linéaire 8; 9
tarification discriminante Voir discrimination
tarification non linéaire multiproduit 15; 23
tarification non linéaire Voir tarif non linéaire
tarifs binômes optionnels 4
trafic 12
—V—
vente liée 13; 14; 19
Figure 1-1 tarifs non linéaires
Figure 1-2 tarifs optionnels
Figure 1-3 Discrimination par intégration verticale
Figure 1-4 Tarif non linéaire optimal
Figure 1-5 Tarif binôme optimal
Figure 2-1 Stratégies : effet propre et effet stratégique externe
Encadré 1-1 Monopole public et discrimination
Encadré 1-2 "effet Polaroïd" en tarif binôme
Encadré 2-1 Jeu en deux périodes
propriété 1-1 taux de marge et élasticité
propriété 1-2 Tarif optimal pour une demande homogène
propriété 1-3 Tarification non linéaire optimale
propriété 1-4 Tarif binôme optimal
propriété 1-5 Effets de la discrimination sur le bien-être
propriété 1-6 Effet de la tarification non linéaire sur le bien-être
propriété 1-7 "Effet Polaroïd" et bien-être
propriété 1-8 Tarification non linéaire et price cap
propriété 2-1 Choix stratégiques comme pilotage de la concurrence
propriété 2-2 Engagement
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